ECA-IXblue, nouvelle pépite française du naval de défense

C’était la compétition la plus féroce du moment dans le petit milieu de la défense. Malgré la concurrence de poids lourds comme Thales ou les fonds Wendel et Adagia, c’est finalement le groupe français Gorgé qui a gagné la course pour le rachat de la pépite tricolore IXblue, champion des systèmes embarqués pour la défense, le spatial et le secteur naval. La société familiale va débourser 410 millions d’euros pour s’offrir l’ETI basée à Saint-Germain-en Laye (Yvelines), qu’elle va marier à sa filiale robotique ECA. Le nouveau groupe, de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires environ, est valorisé 800 millions d’euros. Il dispose d’un carnet de commande de 620 millions d’euros, soit plus de deux ans d’activité.
Gorgé, qui détiendra plus des deux tiers du capital du nouveau groupe, ne cache pas ses ambitions: il veut faire doubler de taille l’ensemble ECA-IXblue d’ici à 2025-2026, à plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. “Cette opération nous permet de changer de dimension dans un secteur où la prime aux gros acteurs est importante, explique Raphaël Gorgé dans une interview à Challenges. On crée ainsi une ETI leader mondial de technologies critiques comme l’autonomie des robots sous-marins et drones de surface, les centrales inertielles, la photonique et le quantique.”
Prix trop élevé?
La valorisation d’IXblue, à 410 millions d’euros (plus de 14 fois l’Ebitda), a fait tiquer plus d’un spécialiste. Le fonds HLD, acquéreur d’une autre pépite française du secteur (Photonis) avait rapidement jeté l’éponge, jugeant le prix trop élevé. Raphaël Gorgé assure ne pas avoir surpayé la pépite française.” D’abord, nous avons des synergies que n’auraient pas eu les fonds d’investissement, indique-t-il. Ensuite, j’observe que sur les 5 candidats en finale, deux ont proposé un prix plus élevé que le nôtre.” Thales, notamment, aurait fait une offre supérieure, refusée par le fondateur d’IXblue Hervé Arditty, qui voulait privilégier un acquéreur familial.
Pourquoi marier ECA et IXblue? Les deux groupes, de taille comparable et voisins sur certains de leurs sites (Lannion, Toulon-La Ciotat), se connaissaient déjà très bien. “IXblue est un partenaire important du contrat de navires chasseurs de mines que nous avons remporté avec Naval Group en Belgique et aux Pays-Bas (2 milliards d’euros, dont 450 millions pour la robotique), souligne Raphaël Gorgé. Nous travaillons aussi ensemble sur le drone sous-marin Ulyx de l’Ifremer, capable de plonger à 6.000 m de profondeur.”
Les deux ETI françaises sont également très complémentaires. ECA est un leader reconnu des robots sous-marins, mais aussi des drones aériens (IT-180), et terrestres (Cameleon, Iguana). IXblue développe un drone naval de surface, le DriX, mais aussi des systèmes de navigation, les centrales inertielles, qui permettent aux navires, sous-marins, blindés, avions ou satellites de se positionner sans avoir recours au GPS. Le nouvel ensemble est ainsi parfaitement positionné pour répondre aux besoins capacitaires liés à la toute nouvelle stratégie du ministère des armées sur les fonds marins.
Conquête américaine
Ce document, présenté mi-février, annonçait l’acquisition de robots et de drones capables d’atteindre, respectivement, 3.000 m et 6.000 m de profondeur. “Nous sommes absolument légitimes pour être les fers de lance de ces futurs programmes”, assure Raphaël Gorgé. Le patron de Gorgé estime également que l’apport d’IXblue pourrait également ouvrir les portes du marché américain à ECA. l’ETI de Saint-Germain-en Laye avait notamment réussi à placer ses centrales inertielles sur les frégates LCS de l’US Navy, et ses instruments optiques sur les satellites Grace-FO de la Nasa.
L’opération a en tout cas de quoi satisfaire le ministère des Armées et Bercy. Comme le souhaitait la puissance publique, la pépite IXblue reste française, intégrant même un groupe familial qui veut en faire un leader mondial. Le psychodrame Photonis, que la France avait failli laisser partir chez l’américain Teledyne, aura peut-être servi à quelque chose.
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