Constellations: Amazon a-t-il une chance face à SpaceX ?

Amazon dévoile enfin son jeu. Après des années d’incertitudes sur Kuiper, son projet de constellation de 3.236 satellites dédiée au haut débit, le géant américain du e-commerce et du cloud a lancé les grandes manœuvres lundi 1er novembre. Il a annoncé le lancement des deux premiers satellites de la constellation au quatrième trimestre 2022, coup d’envoi d’un projet dans lequel il prévoit d’investir 10 milliards de dollars. Le groupe prévoit de mettre en orbite la moitié des satellites du projet d’ici à juillet 2026, et le reste avant juillet 2029. Une usine flambant neuve de 20.000m2 est sortie de terre à Redmond, près de Seattle, pour fabriquer les satellites en série. “Il y a désormais plus de 750 personnes qui travaillent sur le projet, et nous prévoyons d’en ajouter des centaines l’année prochaine”, assure le groupe dans son communiqué.
Comment Amazon va-t-il lancer ses satellites? Le nouveau lanceur lourd New Glenn, développé par Blue Origin, le groupe spatial du fondateur d’Amazon Jeff Bezos, était le choix le plus logique. Mais Blue Origin a toutes les peines du monde à boucler le développement de la fusée, dont le premier vol n’aura pas lieu avant fin 2022, au mieux. Amazon a donc joué la sécurité pour les premiers tirs.
Reste la grande question: Amazon ne va-t-il pas arriver après la bataille? Le géant américain a pris beaucoup de retard face aux deux projets les plus avancés de l’internet spatial, Starlink (SpaceX) et OneWeb. Le premier, développé par SpaceX, est indéniablement l’épouvantail du secteur. Il a déjà placé 1.700 satellites en orbite, et lancé ses premières offres commerciales auprès de plus de 100.000 clients. Ceux-ci bénéficient d’un abonnement à 99 dollars par mois, plus 500 dollars pour l’équipement sol. Les deux premiers satellites expérimentaux de Starlink avaient été lancés en février 2018: Kuiper a donc plus de quatre ans de retard sur le groupe d’Elon Musk, qui peut compter sur ses Falcon 9 réutilisables pour lancer ses satellites à un rythme industriel.
4 ou 5 constellations viables
OneWeb, qui avait frôlé la faillite en 2020, apparaît également bien plus avancé qu’Amazon. Codétenu par l’indien Bharti, l’opérateur français Eutelsat, le Royaume-Uni et le conglomérat sud-coréen Hanwha, le groupe a déjà placé 358 satellites en orbite, et prévoit une constellation totalement opérationnelle en juin 2022, soit avant SpaceX. Il a aussi signé plusieurs contrats importants, notamment avec l’américain AT&T, le britannique BT et le gouvernement saoudien, qui ont crédibilisé son statut de challenger du groupe d’Elon Musk.
Amazon, tout comme le canadien Telesat, va devoir prouver qu’il peut se faire une place sur ce marché. Malgré son retard à l’allumage, le groupe de Jeff Bezos a de sacrés arguments. Côté commercial, il peut s’appuyer sur les 200 millions d’abonnés de son offre Prime, qui pourraient être le public prioritaire de Kuiper. La surface financière de Bezos, qui investit un milliard par an dans Blue Origin, est un autre atout majeur. Les satellites en orbite basse (590km pour Kuiper) ne restent en effet en service que cinq ans. Il faut donc sans cesse lancer des remplaçants pour garder une constellation opérationnelle, ce qui nécessite des moyens financiers monumentaux. Bezos a, à l’évidence, les poches assez profondes pour tenir sur la durée.
Amazon semble donc avoir les moyens de figurer parmi les quelques gagnants de la grande guerre de l’internet spatial, même si les places s’annoncent chères. “Il ne devrait y avoir que 4 ou 5 constellations en orbite basse vraiment viables”, estimait début octobre le directeur général d’Eutelsat Rodolphe Belmer, actionnaire de OneWeb. Ce club pourrait, estime un spécialiste, accueillir Starlink, Amazon Kuiper, OneWeb, une constellation chinoise, et éventuellement le canadien Telesat s’il trouve les 5 milliards de dollars nécessaires à son décollage.
Starlink valorisé 81 milliards
Pour autant, Amazon va devoir cravacher pour rattraper SpaceX. Dans une étude sur SpaceX publiée le 18 octobre, la banque Morgan Stanley anticipait un chiffre d’affaires de Starlink en croissance exponentielle. Il atteindrait 3,5 milliards de dollars en 2026, 10,9 milliards en 2028, 22,8 milliards en 2030, et plus de 50 milliards en 2040, avec 300 millions d’abonnés à cette date. Morgan Stanley valorisait Starlink à près de 81 milliards de dollars, contre seulement 11,7 milliards pour activités traditionnelles de lancements (Falcon 9, Falcon Heavy, Starship).
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